Exposition fleurs

du 11 juin au 7 aout 2022

Sabine Brand-Scheffel, Rainer Braxmaier, Christiane Bricka, Christine Bonnet, Anne Bulliot, Christophe Chevallier, Marie-Amélie Germain, Damien Lacourt, Martine Missemer, Gabi Streile, Sylvie Villaume

Vernissage

Samedi 11 juin de 14 à 19h
et dimanche 12 juin de 14h à 19h 

 

Permanence

Samedis de 14h à 19h
Dimanches de 14h à 19h 

 

et sur rendez-vous en
téléphonant au 06 85 22 95 42

 

 #GALERIENICOLEBUCK

Lorsqu’on offre un bouquet, on souscrit au langage des fleurs ; langage qui montre sa charpente (de tiges), son essence (de feuilles) et sa fertilité (ses fleurs ouvertes aux pollinisateurs). Le bouquet dit tout, il s’offre. Dans son fugace passage d’une main à l’autre, il salue, il illumine, il modifie la teneur de l’air. Il parle de la serre ou du pré, du temps qu’il fait, du temps qu’il a mis à composer sa présence. Il parle aussi de formes, de corps, de sentiments, d’indicible et de beauté. Parler d’indicible, c’est peut-être le rôle du bouquet. Montrer le caché, de façon subtile et sans équivalence, c’est sa façon d’être, et symbolique, et juste fleurs.

Du symbolique mais aussi de la simple fleur, ce binôme sous-tend également l’approche des artistes contemporains. Ces artistes vont, de façon évidente, au-delà ou ailleurs d’une signification, d’une symbolique particulières d’une essence de fleur, d’un arrangement de bouquet. Ils tentent de manier et de dépasser à la fois les couleurs, les formes et les parfums que les codifications culturelles imposent. Mais peut-être ne sort-on jamais de sa culture ni des cultures ; c’est humain ; floral aussi.

L’art de la fleur est une métamorphose permanente. Elle compose avec la lumière et avec le sacré (sacré : ce qu’on met à l’écart du reste). Elle est choisie, dorlotée, magnifiée.

 

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Que fleurs ?

Une partie de l’exposition à la galerie Nicole Buck montre des fleurs modestes : fleurs des champs ou taches éparpillées qui fleurissent la peinture telles des ne-m’oublie-pas (Myosotis ; en allemand Vergissmeinnicht, en anglais verget-me-no). Ne m’oublie pas, couleur, ne m’oublie pas !

Christiane Bricka n’oublie jamais la couleur. Ses peintures, faites de traces larges et de traits qui laissent vibrer la couleur et les entre-deux, sont un hommage au fouillis naturel que l’artiste recompose, re-dispose. Ici aussi, la fleur bouge au vent et la couleur dépasse le pétale. Peu importe la fleur, car elle est sensation et couleur. Le geste, plutôt vertical, scande le support. Le support est un objet brut (on y voit le grain de la toile) qui affirme ce besoin de simplicité et d’évidence, que les couleurs discutent.  

Sylvie Villaume pense aux herbes folles qui envahissent les plantes que l’on cultive pour leurs belles et grosses fleurs. Cela se traduit dans des encres noires où le geste (une tige/un geste), l’irisation lumineuse et la fleur cohabitent. Lorsqu’une acrylique sur papier s’emplit de fleurs, il s’agit le plus souvent de marguerites, appellation générique qui désigne un ensemble de plantes rustiques. La peinture est légère, aquarellée par endroits ; elle est rythmée par les traits des herbes et les taches des infloraisons, dans un désordre calculé et doucement coloré. Lorsqu’elle peint de grosses fleurs colorées, elle les nomme des monstres. L’artiste navigue entre peinture, dessin, suggestion et décalage.

Gabi Streile propose une vraie floriculture : les tulipes et les roses jalonnent son travail de peintre. Ses grands bouquets peints à l’huile ont une présence et une énergie impétueuses. La peinture gicle et jaillit, mais l’artiste n’oublie pas d’accorder les couleurs. Les rouges sont intarissables, les blancs colorés font ressortir les intensités, et les verts, complémentaires des rouges, participent de la mise en scène des couleurs. Sa peinture de feu et de gestes ardents est toujours jouissive et somptueusement explosive, et ceci jusqu’au flétrissement du bouquet.

Marie-Amélie Germain attend impatiemment l’éclosion de chaque fleur de son jardin, pour les peindre et les dessiner, pour le plaisir de les regarder aussi ; tulipes, fleurs de pommier, anémones, lys, etc. La série Jardin (huile sur toile) est une variation de ce petit paysage de cultures, d’arbres en arrière-plan et de haies. Une chaise bleue ponctue la composition tandis que les touches de peinture disent la vibration de la lumière. Dans une autre série de diptyques oblongs, une fleur dans un vase bleu, peints à l’huile (couleur) est accolée à la représentation de la même fleur, mais allongée, au fusain (blanc/gris sur fond noir). Une façon pour l’artiste de chercher toutes les facettes plastiques de ses fleurs préférées, et en cela de les célébrer. 

Rainer Braxmaier peint sur des formats panoramiques une nébuleuse de peinture et de traits. Nous devons bouger notre regard pour entrer dans ce paysage de traces et de gouttes, comme pour pénétrer dans une topographie. Il peint aussi sur des supports pauvres comme le carton, dont les imperfections, les déchirures de bord disent déjà le regard sensible du peintre. Il n’éprouve pas le besoin de travailler d’après modèle, mais de faire vibrer le concept. La gestualité domine ; le geste vif soulève la possibilité de traces d’inconscient et de lacher-prise. Peut importe la fleur, pourvu qu’elle soit pensée, geste et peinture ; la forme tremble, comme une inquiétude.

Sabine Brand-Scheffel développe un travail de peinture entre abstraction et végétalisation. Il est délicat d’établir une frontière entre formes abstraites et références végétales, entre géométrie et simplification de fleurs par exemple. La superposition de couches fines de peinture, la superposition de formes contradictoires et transparentes fabriquent un espace sobre mais complexe. Variation de couleurs douces ou couleurs tranchées, tout est une question d’équilibre et de dialogue ; la peintre travaille en finesses. Une forme, cependant, réitère sa présence ; c’est une feuille lancéolée. Ce fer de lance découpe et structure la peinture.

Martine Missemer peint depuis une vingtaine d’année des animaux fantasques, dont les positions et les mimiques sont plus humaines que zoologiques. Il y a du récit et de la fable dans leurs contorsions, de l’absurdité aussi. Pour cette exposition, un jeu de fleurs s’immisce dans le bal. Deux mammifères se détachent d’un ensemble de lys, rose, pivoine et ombellifères, et nous regardent. Les fleurs, douces comme du velours, prennent une telle importance dans la composition qu’elles en perturbent la narration. Dans un autre tableau, l’artiste développe un fleurage répété sur le fond de la scène et met dans les pattes des animaux une fleur ; une fleur comme complément d’impertinence.

Les photographes Christine Bonnet et Christophe Chevallier ont opté pour le gros plan et l’épure. Il y a de l’émotion contenue dans les images délicates des deux photographes. Une sophistication aussi. 

Christine Bonnet propose des formats carrés en noir et blanc, dont certains très blancs. Un Point de vue rapproché sur un lys, dont les formes passent du gris au blanc de façon subtile, nous emmène vers une abstraction. Un autre (Nascere / Naître) dévoile une fleur jeune, magnifiquement fragile. Il y a dans ces tirages un respect de l’harmonie, au service d’une douceur, toute sensuelle.

Christophe Chevallier propose plusieurs approches, à la précision graphique quasi-scientifique. Ces feuilles sur fond blanc, dont seuls subsistent au regard leur structure en traits lamellés, ressemblent à un dessin. Cette corolle vue du dessus a les pétales comme une peau, avec ses veinules, ses rides, ses ondulations et ses stries. Ici, des pétales illuminés de l’intérieur, comme une cosmographie du tout petit. Là, sur fond noir, une fleur seule, mi-vivante, mi-rigide de sécheresse ; ou bien deux roses séchées où la couleur advient comme par inadvertance, nous parlent de mélancolie.

En hommage à la forme en coupelle de certaines fleurs Damien Lacourt a taillé des pots dans du cèdre du Liban, du merisier et de l’épicéa. L’extérieur des objets conserve la brutalité du matériau. On peut y déceler le travail d’insectes ravageurs dans le cèdre, on repère un nœud ou un morceau d’écorce dans les autres essences. L’intérieur de ces pots est taillé soit en coupe circulaire, soit de façon multiface. Le merisier montre la douceur de son cœur et le cèdre nous offre de fines nervures. D’où le sous-titre des pots, à fleur de peau…

Anne Bulliot modèle des sculptures en céramique à l’allure organique. Elles sont à la fois fleurs et organismes inclassables, qui se meuvent à l’intérieur d’eux-mêmes. La terre qui les a construits montre ses couches de fabrication et ses traces de liaison. La fleur montre sa tige et sa corolle, et la main qui l’a façonnée. La vasque ainsi modelée a le nacré de l’huître et les bords colorés de la tulipe ou de la rose. Les pétales, découpés, sont rognés ; la matière s’enroule et se tord, produit quelques lambeaux comme des mémoires de sa propre dynamique. Cette matière nous emmène dans le mouvement d’un organisme vivant et fabuleux.

En somme, la fleur est un bien commun, toujours renée, jamais épuisée.

 

Sylvie Villaume, 2022

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