Haleh Zahedi

"Je réfléchis le dessin. Je voudrais que le dessin propose un temps d’arrêt à celui qui le regarde."

 

 

Le dessin désigne ce dessein sans projet ni plan ni intention.
Son plaisir ouvre sur cet infini. »

Jean-Luc Nancy

 

Expositions


à la Galerie

 

 

novembre/janvier 2022

Exposition collective du 27 novembre 2021 au 16 janvier 2022

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mars/avril 2021

Christiane Bricka, Elham Etemadi, Marie-Amélie Germain, Sima Jahangirian, Dan Steffan, Haleh Zahedi

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oct./nov.déc. 2020

20 artistes français et allemands exposent leur travail autour du dessin

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oct./nov.déc. 2020

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L’outil est toujours le même. Le fusain. Le rite aussi, est toujours le même. Je pars d’une forme, flottante, noire et brumeuse. Cette forme est souvent sculpturale et bâtie par la douceur d’un clair-obscur. Elle peut être évidente, familière et définie aux contours nets, ou parfois indéfinissable telle une simple tache au fusain. L’application du noir par trace ou estompage, couche par couche, me laisse la possibilité de faire apparaître dans le dessin ce que parfois moi-même je n’attendais pas.

 

Les figures surgissent du brouillard au fur et à mesure. Je creuse la surface noire pour y découvrir de nouvelles formes. J’accumule ces formes, je les trie, j’en efface quelques-unes pour prononcer les autres, elles font naître d’autres formes ou les superposent, les effacent même.

Il s’agit d’un grouillement des choses, sous contrôle d’un cadre défini.

En effet, je commence le dessin par une délivrance des taches et des traits, mais je le gouverne lentement jusqu’à l’obtention d’une forme soigneusement découpée dans le blanc du papier (Je n’arrive pas à me débarrasser de cette liberté surveillée, dans le dessin comme dans ma vie.)

Je me soucie de la qualité du noir.

Le noir peut tracer la forme et l’informe. Il est l’absence et la présence en même temps. Il peut être visible, autant qu’invisible quand le blanc prend la parole. Il peut représenter le néant, ou un simple trou, l’entrée du dessin.

Je trace et je gomme. Il y a une nécessité d’effacement jusqu’au surgissement d’une forme aboutie. L’effacement, c’est aussi dire la destruction, qui évoque le fantôme de la forme précédente. Alors une autre forme arrive, un autre trait noir revient, pour remplacer ce qui a été effacé (le noir du deuil efface la perte).

Par une accumulation de formes et de figures qui ne cessent d’apparaître et de disparaître, le dessin devient le lieu mystérieux d’un passage entre deux mondes, où coexistent des fantômes du passé (ou du présent dirait Deleuze) et les délires de tous les jours.

Tout ce qui est réel englobe une irréalité. Le caractère onirique du dessin évoque une vision entre le fantasme et des hallucinations visuelles. L’image devient parfois difficile à synthétiser, comme un rêve, elle nécessite un déchiffrement.

À un moment donné, je me perds dans le dessin, je ralentis, m’oublie et attends. Je le laisse me parler. J’attends que les formes naissent, j’attends que le dessin advienne, inconsciemment parfois. Je souhaite le même ralentissement pour le spectateur. Dans ce monde qui avance à une vitesse absurde, j’aimerais prendre mon temps, résister et faire retarder les autres aussi.

Je travaille souvent par série, j’ai besoin de me laisser imprégner par une thématique. Les séries ne s’arrêtent jamais, elles s’agrandissent chaque année. Cela me permet de revenir sur un sujet et de l’approcher différemment. Les séries se mêlent parfois. Il s’agit d’une réunion d’images qui prennent un autre sens ensemble, une sorte de métamorphose, qui se répète toujours, sans début ni fin.

L’exposition « Verticales sens dessus dessous » à la galerie Nicole Buck, réunit notamment des dessins réalisés il y a quelques années, évoquant les thématiques des arbres et des oiseaux. Ces arbres sont des platanes élagués vus à la fin de l’hiver, ceux alignés aux bords du boulevard de la Victoire à Strasbourg. Les oiseaux sont des chimères. Ils sont aussi des créatures de formes diverses camouflant d’autres éléments et des petits récits.

Le processus de réalisation reste le même aujourd’hui. Même si les formes sculpturales flottantes y sont moins précises, elles se situent toujours aux frontières de l’organique et du charnel. Les plis me fascinent tout autant, ceux du corps humain et animal, ceux de l’écorce d’un platane, ceux du drapé.

Néanmoins, au-delà de toute thématique, mon dessin demeure une recherche plastique, la continuité d’un chemin qui cherche depuis longtemps à atteindre la lumière absolue et la sublimité du noir.


Haleh Zahedi en images